À l’occasion de la 12ème Conférence et Cérémonie Great Place to Work® du 31 mars 2022, nous avons eu le plaisir d’échanger avec notre conférencier, Yannick Bruck, Chief Technology Officer à la Bourse de Luxembourg, qui interviendra sur la thématique « L’Intelligence Artificielle au service des ressources humaines ».
Pouvez-vous vous décrire et nous partager les projets auxquels vous prenez part aujourd’hui au sein de la Bourse de Luxembourg ?
La Bourse m’a accordé sa confiance pour définir la roadmap technologique, axée autour de l’innovation au service des métiers et d’une architecture d’entreprise robuste et agile, le tout dans un environnement régulé et sécurisé. Nous finalisons d’ailleurs actuellement notre migration complète vers le Cloud.
Nous nous concentrons sur deux thèmes majeurs : la modernisation de l’infrastructure et des applications, ainsi que la digitalisation des métiers. Dans ce contexte, j’interviens sur la définition des nouveaux environnements de travail des collaborateurs, la transformation applicative, la sécurisation des environnements, la digitalisation des processus et l’exploitation des données.
Quels sont, selon vous, les bénéfices que peut apporter l’Intelligence Artificielle (IA) dans une société, et plus particulièrement dans le service des ressources humaines (RH) ?
D'un point de vue théorique, l’utilisation de l’IA permet à un logiciel informatique d’imiter certaines capacités humaines. Ces capacités sont alors exploitées dans un but d’automatisation des tâches, ou d’amélioration des compétences et des capacités d’un service.
Plus concrètement, un service RH utilisant l’IA peut être disponible 24/7 virtuellement et capable de parler toutes les langues grâce à un service desk RH virtuel. L’approche et les réponses du système sont adaptées à la situation de l’employé et basées sur l’historique du service afin d’anticiper au mieux les besoins. Le service peut alors être plus efficace au niveau des recrutements et des plans de succession, mais dispose également de plus de temps pour se concentrer sur la relation avec les collaborateurs en se délestant de certaines tâches. Enfin,des capacités IA dont les biais sont maîtrisés vont permettre plus de diversité dans les recrutements, mais également traiter tous les sujets de manière plus inclusive et objective.
D’après vos expériences, pouvez-vous citer un exemple concret de la mise en place de l’IA au sein d’un service RH ?
Par mon expérience personnelle ces dernières années, j’ai pu constater l’évolution des solutions SIRH, mais également des challenges auxquels les services RH font face.
Plusieurs institutions de la place ont notamment implémenté un agent virtuel (ou chatbot intelligent) comme point de contact privilégié pour les collaborateurs. Ce service est disponible en plusieurs langues, à toute heure, et est particulièrement utile en télétravail. Il permet de répondre à la majorité des demandes des collaborateurs en se connectant aux services back-end (ERP, SIRH, timesheets, etc.) et en traitant les actions de manière autonome et automatisée. Certaines entreprises ont même atteint un stade d’intégration supérieur en incluant la capacité de recevoir et traiter certains documents, tels que des arrêts de travail, afin de couvrir le processus complet.
D’autres applications se développent autour des plans de succession ou du recrutement, où la rareté des profils amène à une approche différente. On ne cherche plus le profil qui a les compétences, mais celui qui a le bon état d’esprit et qui peut rapidement les acquérir. Pour automatiser cela, le recours à l’IA permet de s’affranchir des mots clés, d’identifier des correspondances entre compétences et technologies, et de faire correspondre une fiche de poste à un profil prévisionnel composé du potentiel du candidat augmenté d’un parcours de formation sur-mesure.
Selon vous, comment se positionne le Luxembourg par rapport à l’IA face à nos pays voisins ?
Je pense que le Luxembourg a de nombreux atouts, tant d’un point de vue compétences (écosystème start-ups, compétences dans certaines sociétés de conseils, investissement R&D, etc.) que d’un point de vue situation et marché. Généralement, l’adoption de l’IA dans les processus métier prend du temps, mais elle est bien réelle. Elle est d’ailleurs facilitée par l’adoption des Clouds publics, permettant un accès direct à des technologies incluant de l’IA à moindres coûts.
Néanmoins, malgré ces atouts, le marché luxembourgeois a une taille modeste comparé à certains pays voisins, et les profils compétents en IA restent rares et recherchés. Je suis tout de même confiant : nous avons toujours su faire preuve de pragmatisme, adopter l’innovation au bon moment et nous spécialiser localement.
Comment imaginez-vous le futur de la fonction RH avec l’évolution constante de l’IA ? (Pour les entreprises, les professionnels des ressources humaines et les collaborateurs)
La fonction RH restera toujours centrée sur l’humain, et plus particulièrement sur les collaborateurs. Dans le futur, ces derniers auront un accès continu à tous les canaux de communication de l’entreprise. Les services RH pourront adopter une approche sur-mesure automatisée pour la plupart des interactions.
Les employés des services RH auront ainsi l’opportunité de libérer du temps, et donc de la capacité de travail, pour des sujets nécessitant une intelligence humaine accrue : soit émotionnelle dans le cas des interactions avec les collaborateurs sur des sujets complexes, soit créative dans la recherche de solutions visant au bien-être et au développement des collaborateurs.
Les entreprises disposant de capacités IA dans leurs services RH disposeront ainsi d’atouts non négligeables pour améliorer la rétention et l’épanouissement de leurs collaborateurs, recruter les meilleurs nouveaux profils, mais également leur assurer une évolution de carrière non linéaire en anticipant les évènements de la vie et les signaux discrets évocateurs de changement.